
Je suis Alessandra Meniconzi, et je pars depuis de nombreuses années à la découverte de contrées reculées, pour montrer et immortaliser les cultures et les traditions en voie de disparition. Mon travail repose sur l’écoute et le respect, et est centré sur l’identité de peuples souvent oubliés. Je travaille depuis 2022 avec le système moyen format de FUJIFILM afin de réaliser des images d’une qualité exceptionnelle. Récemment, le GFX100S II m’a accompagnée pour un projet saisissant: documenter la fabrication d’huile de rose à Kânauj.
Lors d’un court séjour dans cette ville du nord de l’Inde en 2015, j’avais découvert une distillerie qui semblait hors du temps. Son atmosphère m’avait poursuivie, et j’y revins donc pour raconter son histoire. Kânauj, connue aussi sous le nom de «capitale du parfum», a préservé une technique ancestrale de distillation à la vapeur, qui permet de transformer en attar les doux pétales de rose. La cueillette au lever du soleil est la première étape d’une procédure exigeant patience et précision, par laquelle des tonnes de fleurs se transforment en quelques millilitres d’huile de rose pure, sans produits chimiques ni machines. Mes photographies parlent de la passion et de la résilience de ceux et de celles qui perpétuent cet artisanat.
Je travaille depuis plusieurs années en collaboration avec la revue «Terra Mater», dont j’apprécie beaucoup l’intégrité visuelle et la qualité journalistique. Ses reportages misent sur des galeries de photos sur deux pages, équilibrées entre grand angle, portrait et détail. «Terra Mater» exige une étroite imbrication du texte et de l’image, sans que l’un domine l’autre. Dans ce cas précis, le texte est de Fabian von Poser. Pour moi, ce projet impliquait une planification soignée, une concertation permanente et une qualité technique au plus au niveau. Mais la pression la plus importante à laquelle je devais faire face était d’un tout autre domaine: la peur de pertes de données ou de manquer un instant précieux. Mon style reste toujours personnel, mais réservé – authentique à chaque instant, au rythme de ceux et de celles dont je fais le portrait. Lors de ce voyage, l’appareil était mon outil, ni plus, ni moins.

Pour moi, chaque projet commence par une rencontre avec des gens, et la photographie devient alors le pont qui relie des mondes lointains. Il en résulte un récit, qui va au-delà de l’image. La préparation de ce projet exigea des recherches relatives à la période de floraison et aux entreprises artisanales traditionnelles. Une fois sur place toutefois, il me fallut attendre. De nombreux rendez-vous furent repoussés ou annulés. Entrer en contact avec les gens était un défi, les barrières linguistiques et culturelles exigeaient de la patience. J’observais, j’écoutais, je communiquais par des gestes. Il fallut des jours pour que naisse un dialogue silencieux, puis, enfin, la confiance. C’est ainsi que j’ai pu raconter avec respect leur histoire.





Sur place, la réalité était différente de ce que j’avais pensé. Dans les champs à l’aurore, j’espérais trouver une lumière douce et un brouillard diffus, mais le soleil était déjà haut dans le ciel, avec des contrastes vifs. Dans la distillerie par contre, l’atmosphère était exactement ce que j’avais imaginé: des salles remplies de fumée, une lumière tamisée et des ombres profondes et obscures. Je ne m’attendais pas toutefois à la chaleur extrême qui régnait sous les alambics, ni à l’intensité de la fumée, qui irritait les yeux et la gorge et me força à des pauses fréquentes.
Malgré ces difficultés, j’ai conservé un style sobre et déférent, sans exagérer. Mon objectif était non seulement de montrer des détails, mais aussi de les rendre tangibles, sensibles, perceptibles: l’intensité des odeurs, la lourdeur de la chaleur, le silence matinal, et la peine invisible des travailleurs et travailleuses.




Il s’agissait là de mon premier reportage avec un appareil moyen format. J’ai choisi le GFX100S II parce qu’il reflète en tous points ma démarche de photographe. Bien que le moyen format ait la réputation de ne pas être adapté aux reportages, ceci ne constitua pas d’obstacle pour moi. Je travaille presque toujours avec un trépied, je recherche toujours une qualité d’image maximale et je reste dans des valeurs ISO inférieures à 400. Le GFX100S II, plus compact et plus léger que le GFX100 II, s’avéra dès le départ être maniable et ergonomique – même pour de petites mains.


Dans les situations complexes, comme la lumière crue dans les champs et les ombres obscures dans la distillerie, j’ai tiré profit de l’excellente plage dynamique et de la précision et du naturel dans le rendu des couleurs. Le capteur moyen format m’a donné des noirs profonds, des lumières maîtrisées, et des détails hors du commun, qui rendent chaque cliché vivant et authentique. Cet appareil dispose d’un autofocus moderne identifiant les visages et les yeux, soutenu par un algorithme IA, avec une mise au point fiable même dans le cas de très grandes ouvertures, de sorte que j’ai pu me concentrer parfaitement sur la composition des images.




Je savais que ce voyage s’accompagnerait de défis importants. La chaleur impitoyable, l’acuité de la lumière, les rythmes de production étroits ne laissent aucune marge d’erreur, aucune latitude pour des photos banales. Les moments les plus intenses furent pour moi dans les ateliers de distillation, où j’ai pu suivre chaque étape du processus. J’étais surtout curieuse de vivre l’instant où les pétales sont lentement versés dans les cuves. C’est un geste simple, mais si poétique, dont je voulais saisir sans faille tout le charme. De la fermeture du deg – l’alambic en cuivre traditionnel – à l’extraction de l’essence, tout se passait dans une salle envahie de fumée, où il était difficile de respirer. Lorsque j’ai sorti mon équipement de mes bagages à mon retour, il avait toujours une légère odeur de fumée, qui me transporta immédiatement à Kânauj.
Un problème lié non pas à l’équipement, mais à l’environnement, était la surchauffe de l’appareil. Dans les distilleries, jusqu’à dix alambics alimentés par un feu produisent une chaleur énorme, sollicitation importante pour l’appareil. Un défi de caractère technique, par contre, était la faible profondeur de champ du moyen format. Elle est fascinante, mais complexe surtout dans le domaine du reportage. J’appris à compenser par le diaphragme, des focales plus courtes ou une plus grande distance par rapport au motif.


Le GFX100S II fournit également une excellente qualité avec f/11 et f/16, et la précision de l’autofocus est indispensable alors. J’ai photographié le plus fréquemment avec les objectifs FUJINON GF 20–35mm f/4 R WR, parfait pour les grandes vues d’intérieur, et FUJINON GF 45–100mm f/4 R LM OIS WR, idéal pour les portraits et les détails intimes. Je regrette de ne pas avoir emporté le FUJINON GF 30mm f/5.6 T/S, qui est particulièrement adapté pour la correction de lignes convergentes dans les espaces étroits. Mais la limitation du poids des bagages à huit kilos m’avait contrainte à des décisions douloureuses.
Les photographies révèlent l’artisanat complexe et le travail pénible, souvent invisible, des ouvriers de ces distilleries, et leur engagement quotidien, indispensable à la survie de cette tradition. À Kânauj, j’ai rencontré des hommes et des femmes vivant dans des conditions difficiles, et qui perpétuent ce lourd héritage avec détermination et une résilience silencieuse. Raconter tout ceci est une grande responsabilité: observer avec respect et donner une voix à ceux et celles qui pourraient rester invisibles. La photographie devient ainsi un souvenir et un témoignage vivants. L’image voit le jour sur place, avec ce dont nous disposons, mais surtout avec ce que nous sommes. Dans cette démarche, le GFX100S II s’est révélé être bien plus qu’un simple appareil photo: il fut un compagnon fiable, transformant des émotions en images authentiques et impressionnantes.
















Photos & Texte: Alessandra Meniconzi pour le compte de Terra Mater
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